Monsieur le Ministre, vous prenez vos fonctions au beau milieu d’une crise sanitaire sans précédent, qui est d’ores-et-déjà devenue une crise économique aiguë : dans ce contexte, extrêmement compliqué, quelles sont vos principales priorités d’action ?
Au regard du contexte particulier dans lequel nous sommes, avec Bruno Le Maire, la priorité est de poursuivre l’accompagnement des entreprises les plus durement touchées par la crise comme celles qui sont encore fermées, les restaurants, les salles de sport ou celles dont l’activité est fortement impactée comme c’est le cas pour les entreprises de l’événementiel. Notre objectif sera de leur permettre de retrouver au mieux le chemin de la reprise d’activité. Par ailleurs, je compte également accélérer le travail de fond, que je mène avec mon équipe depuis ma nomination, de simplification et d’amélioration de l’environnement global des entreprises.
Vous avez une longue expérience d’entrepreneur et de responsable syndical : quelle est votre vision des juridictions commerciales et du rôle des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires au service des petites et moyennes entreprises ?
Les TPE et les PME ont besoin d’être accompagnées et conseillées tout au long de leur développement, c’est primordial pour anticiper leurs difficultés. Lorsqu’un chef d’entreprise franchit la porte d’une juridiction commerciale, bien souvent il considère que cette étape va le conduire fatalement à la liquidation judiciaire. C’est bien évidemment faux et il est méconnu que l’une des missions des tribunaux de commerce mais aussi des tribunaux judiciaires, n’est pas de condamner, mais bien d’accompagner les entrepreneurs, les artisans, les commerçants, pour les aider à sortir de situations économiques difficiles.
Cette vision faussée est un enjeu que nous avons bien identifié avec le Garde des Sceaux. Nous avons donc ins- tallé le 5 octobre dernier « la mission justice économique », laquelle a été confiée à Georges Richelme, président de la conférence générale des juges consulaires de France. Son objectif est d’établir un état des lieux de l’ensemble des pratiques actuellement mises en œuvre, dans le cadre judiciaire ou hors de ce cadre pour les entreprises en difficultés. Les recommandations de cette mission sont attendues pour mi-janvier 2021. Quant aux administra- teurs judiciaires et aux mandataires judiciaires, je tiens à souligner leur travail remarquable depuis le début de la crise sanitaire. Leur implication a été sans faille grâce à une présence constante sur le terrain auprès des entreprises ce qui a permis de préserver leur activité. Ils auront donc un rôle important dans l’accompagnement des entreprises notamment afin qu’elles se saisissent aux mieux des opportunités du Plan de Relance.
Dans le contexte de crise, certains pronostiqueurs imprudents prévoyaient une vague de faillites, un tsunami de procédures collectives. On voit qu’il n’en est rien, grâce à la grande efficacité des mesures de soutien à l’économie prises par le Gouvernement dès avril dernier et, qu’au contraire, la régression du nombre de défaillance va être extrêmement importante en 2020 (probablement entre -40% et -50%) : quelles sont vos hypothèses de travail en la matière pour 2021 et vos objectifs ?
À ce stade, je préfère rester prudent mais il est vrai que la vague de faillite que certains annonçaient après le premier confinement n’est pas arrivée. C’est le résultat de l’adéquation et de la solidité des aides de l’Etat qui ont été mises en place dès le début de la crise et qui ont permis de préserver les entreprises.
Nous l’avons vu lors du déconfinement de cet été, la reprise économique a été bonne et rapide, en août nous avions retrouvé près de 95% de notre activité.
Je reste optimiste quant à la résilience d’une grande majorité de nos entreprises. Pour les plus fragiles, il sera nécessaire qu’elles soient accompagnées et que puissent être détectées en amont les potentielles difficultés grâce notamment au programme « signaux faibles ». Nous avons d’ores et déjà enregistré des progrès significatifs et je suis convaincu que les conclusions de « la mission justice économique » permettront d’aller plus loin dans l’accompagnement de ces entreprises, permettant notamment une meilleure coordination entre les différents intervenants.
Cette forte diminution du nombre d’ouvertures de procédures collectives plonge notre profession dans une crise, elle aussi, sans précédent : quelles sont les mesures que vous pourriez envisager de prendre pour venir au soutien des études d’AJMJ qui sont fortement impactées par cette crise ?
J’ai bien conscience que cette crise a également un impact sur le fonctionnement et l’activité des études des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. J’y suis particulièrement attentif et reste à l’écoute de cette profession en maintenant un lien fort et constant avec le Conseil National des Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires.
Enfin, Monsieur le Ministre, vous savez que les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires viennent de lancer une seconde initiative de soutien solidaire aux entreprises, via le N° Vert des AJMJ qui a pour objectif de fournir des diagnostics gratuits aux entrepreneurs qui rencontrent des difficultés : quel message souhaitez- vous adresser aux administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires qui s’engagent ainsi pour apporter leur expertise aux entreprises ?
Je salue cette initiative qui permet de prévenir les difficultés par l’évaluation de la situation des entreprises. Ces diagnostics emportent une orientation et un accompagnement personnalisés des chefs d’entreprise, en les aidant notamment à se saisir des aides mises en œuvre par le gouvernement.
Dans cette période que je sais éprouvante, cet engagement solidaire des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires auprès des entreprises, est essentiel et je tiens à les en remercier.