Vous êtes secrétaire général du CIRI depuis maintenant deux ans, pouvez-vous à ce stade établir un premier bilan de votre expérience ?
C’est une expérience formidable et unique, une vraie chance dans une carrière professionnelle que d’exercer cette fonction. Elle est aussi stimulante que passionnante et extrêmement riche, tant sur le plan intellectuel que sur le plan humain. Ce genre d’expérience où il faut être à la hauteur de la confiance qui vous est donnée.
Le CIRI est une institution reconnue depuis près de quatre décennies et qui a su s’adapter aux époques tout en gar- dant l’esprit qui a précédé à sa création : garantir l’intérêt général et l’intérêt de la puissance publique dans des situations de tensions financières. Notre action quotidienne et confidentielle, a pour but d’épauler les Ministres, sou- vent interpellés, sur des dossiers à enjeux économiques, sociaux lourds et complexes qu’il faut savoir traiter avec sang-froid, rationalité et pragmatisme.
La crise que nous traversons donne au CIRI la possibilité d’exprimer sa raison d’être : une institution du Gouverne- ment au service des entreprises, des emplois et de l’activité économique.
La France a été confinée pendant plus de 2 mois, comment avez-vous vécu le confinement ? Dans quelle mesure l’activité du CIRI a été affectée ?
Notre engagement et notre mobilisation furent totales et mon équipe a fait preuve de beaucoup de courage et d’ab- négation pendant cette période éprouvante et historique. Alors que la moitié de l’humanité se confinait en rentrant chez soi, tout le pays nous attendait sur la réponse à apporter à cette crise d’ampleur.
Il fallait que l’État intervienne vite, massivement et sans ambiguïté. Nous avons, aux côtés de toutes les forces mobilisées à Bercy, été en première ligne pour mettre au point et mettre en œuvre les dispositifs et le PGE et traiter les nombreuses entreprises qui s’adressaient à nous. Il fallait être réactif, traiter les dossiers par ordre de priorité, se forger une doctrine sur l’utilisation du PGE, autant de chantiers qui nous mobilisent encore aujourd’hui. Nous avons déjà traité plus de 45 dossiers, soit davantage que pendant une année chargée et celle-ci n’est pas encore finie.
Quelles relations entretenez-vous avec la profession d’AJMJ lorsque vous travaillez conjointement sur un dossier ?
En un mot, elles sont excellentes. La relation CIRI/AJMJ est la clé pour la réussite d’un dossier. La bonne entente et la fluidité du binôme sont primordiales pour assurer une médiation efficace, dans des environnements humainement souvent dégradés. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant car nos missions se recoupent assez largement. La seule chose qui peut faire l’objet de débats, c’est le traitement des créances publiques !
Comment percevez-vous la fonction d’AJMJ ? Comment envisagez-vous l’avenir de la profession en particulier dans la cadre de la transposition de la nouvelle directive ?
J’ai découvert cette profession à l’occasion de ma prise de fonction et j’ai découvert à quel point elle était riche, diverse et faisait appel à de nombreuses compétences, « hard » comme le droit et « soft » comme l’art de la négociation.
Elle gagnerait sans doute encore davantage à être connue car elle relève d’une mission qui fait sens : le sauvetage des entreprises et des emplois, un objectif qui doit être collectif pour les mois qui viennent.
S’agissant de l’avenir et en particulier de la transposition de la directive, je nous promets de beaux débats sur la constitution des classes de créanciers. Il va falloir se donner quelques principes à fixer dans la loi et le règlement et apprendre en marchant. Les professionnels joueront un rôle majeur sur cette modification du cadre, qui sans changer fondamentalement de paradigme, pourra modifier le comportement des acteurs.
Beaucoup évoquent les effets dévastateurs de la crise économique à venir suite à la crise sanitaire, « une crise globale », « la plus importante depuis la guerre ». Quelle est votre vision personnelle de la crise post-confinement ?
Je me garderai bien de jugement hâtif et trop conclusif, mais ce que je retiens c’est qu’il s’agit d’une crise tota- lement nouvelle et inédite, car le monde moderne n’avait jamais expérimenté le blocage contraint d’une aussi grande partie de l’économie. Elle est en cela sans précédent. Ses conséquences sont encore difficiles à évaluer, mais si je devais retenir trois thèmes : diversité, progressivité et incertitude :
Diversité : les dommages infligés à l’économie seront très variables selon les secteurs et il est d’ailleurs assez vrai- semblable qu’il y ait aussi des secteurs et des entreprises qui en tirent profit, et heureusement.
Progressivité : les mauvaises nouvelles viendront au fur et à mesure des obstacles : la fin des moratoires bancaires, les premières échéances de remboursements de PGE, la clôture des comptes annuels.
Incertitude : comme avec le virus, il va falloir vivre avec plus d’incertitude sur les hypothèses de travail de nos business plans. Personne ne peut réellement prévoir l’évo- lution de certains marchés et il va falloir pourtant s’engager aux côtés des entreprises.
Mais avant de tirer le bilan, il faut surtout aller de l’avant, retrousser nos manches et nous engager sans condition pour soutenir l’économie du pays.